Cours I : L'anatomie
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Cours I : L'anatomie
Adeline a écrit:Cinquième Cursus - Chirurgien
Cours I : L’anatomie
Présentation générale
Un peu d’histoire
Nous avons peu de connaissance sur l’étude du corps humain durant le temps des Anciens, mais nous savons que les embaumeurs orientaux avaient quelques connaissances élémentaires sur l’anatomie, en étudiant certainement les viscères des animaux.
Les doctrines philosophiques, les croyances religieuses, tout s'opposait aux études anatomiques, dont les dissections sont la base. Aussi tarde-t-on à en voir des traces, et encore sont-elles souvent indirectes. Le plus ancien document que nous possédions actuellement sur les connaissances anatomiques de l'humanité est probablement le Ayurvedas 1, un livre sacré d'un pays au plus loin de l'Orient.
Plusieurs médecins et philosophes anciens nous ont laissé des écrits sur l’anatomie. Mais la pratique de la dissection n'étant pas chose des plus courantes à l'époque, il s'avère que rien de concert ne peu se dégager de tels ouvrages, les informations n'étant point assurées à la source. Cela étant, il ne faut pas imaginer notre époque comme l'apothéose de l'étude anatomique, puisque nous n'avons sorti que très récemment des carcans précédents.
C'est seulement chez les Anciens de la Grèce que l'on commence à entrevoir le goût des études anatomiques : un des derniers disciples de Pythagore, Alcméon de Crotone, qui vivait vers le milieu du VIe siècle avant la venue de Notre Seigneur, paraît être le premier qui ait pratiqué la dissection, mais seulement sur des animaux.
Moins de cent ans après, pendant le Ve siècle, Démocrite, Empédocle, Anaxagore, les Asclépiades au milieu desquels brille le grand nom d'Hippocrate, se livrent à des dissections sur les animaux et font des découvertes importantes.
Hérophile 2, fondateur de l’École Hérophiléenne, fut le véritable créateur de l’anatomie. Il fut le premier à pratiquer la dissection du cerveau. Malheureusement nous sommes toujours à la recherche des précieux manuscrits qui nous permettraient d’en savoir nettement plus sur ses recherches et découvertes, pour la plupart détruits lors de l'incendie de la fabuleuse Bibliothèque d'Alexandrie.
Érasistrate 3, un contemporain d’Hérophile, travailla lui aussi sur l’anatomie humaine, et fut le premier à découvrir que les veines et les artères avaient toutes comme point de départ ou comme point d’arrivée le cœur, et non pas le foie comme on le croyait en son temps. Il décrivit les valves cardiaques et nomma, en particulier, la valvule tricuspide. Il fut le père d’une théorie selon laquelle les artères contenaient une sorte d’air qu’il appelait le "souffle vital".
L'Ecole arabe de médecine, pourtant si fertile et utile à nos travaux, n'ajoutera rien aux connaissances acquises : Rhazès, Albucasis, Averroès, Avicenne commentent et copient Galien. C'est pourtant grâce à ce fil fragile que l'Occident, redevenu curieux, redécouvre ce dernier auteur.
Au début du XIVe siècle, Mondino 4 étudia enfin publiquement à Bologne sur deux cadavres de femme. Il résume dans un petit livre les notions d'anatomie de Galien ; ce qui en fait l'intérêt, c'est la certitude que l'on acquiert, en le lisant, que l'auteur a noté avec exactitude un certain nombre de faits tirés de ses propres dissections. C'est lui qui a donné à l'orifice de l'utérus le singulier nom, conservé précieusement d'ailleurs, de museau de tanche, et il a insisté sur la valeur de la rupture de l'hymen comme signe de la virginité. De même que Galien avait été, et devait être encore commenté, Mondino eut après lui une pléiade de médecins qui le discutèrent, commentèrent et pillèrent : Nicolas Bertuccio, Pierre d'Argelara, Benedetti, et surtout Arnauld de Villeneuve et Berenger de Carpi, qui seront parmi les plus célèbres. Mais à la vérité, la tentative de Mondino demeura isolée ; nul de ses élèves ne l'imita, ni Guy de Chauliac, ni Benedetti, ni Zerbi.
Mais à partir de Mondino, l'étude de l'anatomie pu enfin se développer.
Aujourd’hui, l’anatomie continue son évolution, et le corps humain demande encore à être découvert.
Ce cours ne vous présentera donc que les constatations et études que nous, Médecins de l'Hostel-Dieu, avons pu découvrir. Mais cela ne demande qu'à évoluer, et en tant que futur médecin il sera de votre rôle d'approfondir ces recherches.
La dissection
La dissection est une opération par laquelle on divise les parties qui sont unies dans le corps humain, et l’on découvre celles qui sont couvertes, afin de les examiner. Après l’examen, on sépare ces parties, et on les enlève de dessus le cadavre.
Cette pratique se fait donc sur un corps mort, à l'inverse de la vivisection, qui se pratique sur le vivant, étude fortement prohibée cela va sans dire.
La dissection se présente donc en deux parties : la préparation que doit suivre l’examen, et la séparation 5.
L'examen des parties du corps a pour but de dégager différents éléments :
- leur nom général
- leur figuration
- leur couleur
- leur grandeur
- leur surface
- leurs bords
- leurs angles
- leur sommet
- leur division
- leur connexion
- leur texture
- leur usage
- leur distinction
- leur nombre
- et enfin leur nom propre
Le lieu propre à la dissection est un amphithéâtre préparé à ce dessein, soit donc un espace vaste et aéré. La salle en question doit être dégagée, autant que possible, de tout maison alentours, afin que le vent et la lumière puissent y entrer sans rencontrer de résistance.
L'hiver est le temps de l’année le plus propre à la dissection.
Il est préférable de disséquer depuis 8 heures jusqu'à midi, puis depuis 14 heures jusqu'à 16 heures, pour profiter au maximum de la lumière naturelle, la dissection étant beaucoup moins précise à la lueur de bougies.
Le temps d'une dissection ne doit pas dépasser 14 jours, sans quoi le cadavre ne sera plus bon à l'usage.
Comme pour toute pratique médicale, il est nécessaire de s'entourer des bons instruments pour pratiquer une dissection.
En voici la liste :
- un rasoir
- un scalpel qui n'ait qu'un tranchant
- plusieurs autres scalpels de moyenne grandeur, à deux tranchants
- des petits scalpels semblables à des lancettes à saigner
- une paire de ciseaux semblables à ceux dont on se sert pour couper les cheveux
- une croche
- une scie
- deux paires de forces
- un ciseau
- un marteau
- des aiguilles courbes
Enfin, pour terminer la préparation, il faut avoir deux tables : une grande, de la longueur d’un adulte, sillonnée dans toute sa longueur, afin de donner une issue aux fluides qui sortent du cadavre, et un peu plus petite, carrée, immobile, destinée à recevoir les divers ustensiles, ainsi qu'un linceul, des vases de terre et de bois, des éponges et des linges.
Nous n'allons pas détailler ici le processus de dissection, semblant être différent en fonction des praticiens.
Il convient tout de même de présenter une liste, non exhaustive, des différents éléments végétaux qui pourront vous permettre de conserver, pour une durée allant de deux semaines à trois mois, les organes prélevés lors de la dissection, pour études ultérieures :
- Fleurs
Lavande, roses pâles et rouges, safran, petite centaurée, sauge, œillets, camomille.- Fruits
Muscade, girofle, myrte, noix de galle, semences d’anis, cumin, fenouil.- Feuilles
Armoise, menthe, romarin, thym, fenouil, véronique, sarriette.- Ecorces
Citron, cannelle, genévrier.- Racines
Angélique, carline, gentiane, pivoine, grande chélidoine.
Anatomie, dissection et religion
Il est de coutume de croire que la religion interdit l'étude interne du corps humain, et assimile la dissection à une profanation des cadavres.
On pointe alors un décret pontifical de la fin du XIIIe siècle qui prohibe sous peine d'excommunication le démembrement des défunts, mais elle vise la pratique consistant à dépecer et à éviscérer les corps des grands personnages dont le coeur, les entrailles, les ossements, à leur demande, ne reposent pas toujours dans la même sépulture. On peut invoquer aussi une bulle papale interdisant l'ouverture des cadavres aux moines, diacres, curés et archiprêtres, mais elle ne s'étend pas à l'ensemble du clergé.
Il aura fallu la redécouverte des textes anciens, grâce aux traductions arabes et à l'enseignement d'Avicenne ou d'Averroès, pour que nous, Occidentaux, nous décidions à éprouver la véracité de Celse et de Galien en découpant des corps. On en vient enfin à connaître l'homme dans ses profondeurs intérieures et de savantes batailles se déclarent ainsi autour du siège du "rete mirabile" 6, cette zone de souffles intimes qui abriterait l'âme, ou de la localisation du plaisir féminin.
La religion a de plus souvent "encouragé" la mise en place de dissections : le Pape Clément VI a, au début de la pandémie de peste « noire » en 1347, autorisé les médecins à pratiquer des autopsies afin de connaître l’origine de la maladie et de trouver un traitement, ou comptons encore Guy de Chauliac, l'un des plus grands anatomistes de notre temps, qui a été appelé en Avignon auprès des Papes (Clément VI, Innocent VI et Urbain V). Ses expériences étaient donc connues du clergé, et même suivies avec intérêt.Cours rédigé par Adeline de Courcy et Meleagre d'Aeden,
Médecins diplômés de l'Ostel-Dieu de Paris
- Notes:
1 L'āyurveda ou ayurvéda ou encore médecine ayurvédique est une médecine traditionnelle originaire de l’Inde, également pratiquée dans d'autres parties du monde.
Les deux traités les plus anciens et les plus connus sont la Caraka-Saṃhitā et la Sushruta-Saṃhitā qui datent du début de l'ère chrétienne.
2 Hérophile de Chalcédoine, né vers 330-320 av. J.-C. et mort vers 260-250 av. J.-C., est un médecin grec né à Chalcédoine en Asie Mineure. Avec Érasistrate, il est l'un des pères de l'anatomie et un fondateur de la grande école médicale d'Alexandrie.
3 Érasistrate de Céos (vers 310 - vers 250 av. J.-C.), surnommé "L'infaillible" était un médecin clinicien et expérimental et un grand anatomiste grec, né à Ioulis, dans l'île de Céos.
4 Mondino de' Liuzzi ou Mondinus, né vers 12701 à Bologne et mort dans la même ville en 13261, est un médecin italien du Moyen Âge. En 1321, il fut nommé professeur de médecine à l'université de Bologne1, où le théâtre anatomique du palais de l'Archiginnasio conserve une statue de lui2. Spécialiste d'anatomie, il réintroduisit la pratique de la dissection et composa en 1316 un manuel à l'intention de ses élèves où se trouve le premier témoignage explicite d'une dissection humaine depuis l'Antiquité grecque.
5 Informations tirées en grande partie de l'ouvrage "Anthropotomie ou l'art de disséquer les muscles, les ligamens, les nerfs et les vaisseaux sanguins du corps humain: auquel on adjoint une histoire succincte de ces vaisseaux".
6 Un rete mirabile (locution latine signifiant « filet merveilleux », encore traduit par « réseau admirable ») est un système anatomique d'artères et de veines intimement associées (les veines enveloppent les artères), que l'on trouve chez certains vertébrés et qui peut servir à différentes fonctions.
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Re: Cours I : L'anatomie
Question
1) Citez quatre instruments nécessaires à la dissection.
2) Qui fut le véritable créateur de l'anatomie et qui pratiqua les premières dissections publiques ?
3) Ce cours vous présente le lien entre l'idée religieuse et la dissection, vous montrant qu'il ne faut pus considérer l'un sans l'autre. Mais quel est votre propre point de vue sur cet examen du corps ? Si vous veniez à devoir le pratiquer, devrez-vous aller à l'encontre de vos idées ?
Questions
1) Citez quatre instruments nécessaires à la dissection.
Scie à os, scalpel, pince, écarteur, grande aiguille
2) Qui fut le véritable créateur de l'anatomie et qui pratiqua les premières dissections publiques ?
Aristote est le créateur de l'anatomie. En 1315, l’Italien Mondino dei Luicci (Mundinus, né en 1270 et mort en 1326) disséqua deux cadavres à Bologne, en présence de ses étudiants ; il publia en 1316 un petit manuel de dissection intitulé Anathomia. En France la mesme année, Henri de Mondeville (1260-1320) fit à Montpellier la première dissection vraisemblablement non autorisée.
3) Ce cours vous présente le lien entre l'idée religieuse et la dissection, vous montrant qu'il ne faut pus considérer l'un sans l'autre. Mais quel est votre propre point de vue sur cet examen du corps ? Si vous veniez à devoir le pratiquer, devrez-vous aller à l'encontre de vos idées ?
Dans l'idée religieuse il y a le respect de la mort et la peur des cadavres mais disséquer le corps des hommes morts est nécessaire pour les étudiants en médecine. Iceux doivent cognoistre la position et la disposition des parties que le cadavre révèle mieux qu'un homme blessé. La dissection d'un animal ne peut pas répondre aux mêmes exigences que celle d'un cadavre humain. Face à la religion la vérité scientifique est réfutable. Pratiquer la dissection c'est apporter une preuve.
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